Les voitures autonomes ne jouent pas au Go

Les voitures autonomes ne jouent pas au Go

Pourtant, si elles essayaient elles joueraient certainement mieux que vous.

Vous ne me croyez pas ?

Certains pourront avancer que les voitures autonomes, malgré de nombreux progrès, en particulier ces 5 dernières années, sont encore loin d’être au point. D’ailleurs, il semble que l’enthousiasme des premières réussites se transforme en glissade des attentes non satisfaites comme le graphique du cycle de vie de l’innovation se plait à nous le rappeler. Les voitures autonomes sont maintenant au fond de la vallée des désillusions.

C’est que l’intelligence artificielle est une technologie qui est loin d’être universelle, et bien qu’aujourd’hui on veuille la mettre à toutes les sauces, elle ne s’applique pas aussi facilement à tous les domaines.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à notre voiture.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour passer votre permis de conduire ? Habituellement les auto-écoles proposent des forfaits qui commencent à 20 heures et il semble qu’une bonne proposition des candidats s’en sorte avec une quarantaine d’heures. Soit une bonne semaine de travail.

En revanche, si vous jouez au Go, combien de temps , d’années vous a-t-il fallu pour atteindre un niveau de jeu raisonnable ?

Je pense que nous nous sommes compris. Le Go est plus compliqué à apprendre pour les humains, en revanche c’est la conduite qui donne du mal aux systèmes d’IA.

Ce qui est compliqué pour des humains peut être simple pour une IA et inversement

Au cours des évolutions de l’informatique, que nous appelons aujourd’hui « le numérique », l’intelligence artificielle a fait figure de serpent de mer. Comme le monstre du Loch Ness, certains la voient, d’autres l’espèrent et la majorité reste dubitative. Alan Turing y pensait déjà que les ordinateurs n’existaient même pas encore. Les années 80 ont vu se développer un grand engouement pour les systèmes experts et le moment semblait enfin venu de mettre à disposition de tous des assistants numériques qui allaient pouvoir les aider à accomplir leurs taches du quotidien. Je ne parle pas de passer l’aspirateur, mais de taches cognitives. La distinction, même sous forme de boutade, mérite d’être faite parce que c’est le fond du problème. Déjà à l’époque ces systèmes étaient plus à l’aise avec ce qui se passe dans notre cerveau qu’avec ce qui se passe dans le monde réel.

Depuis le Big Data, l’intelligence artificielle s’appuie maintenant sur ces mégas données pour enrichir son savoir. Et le machine learning est apparu. Nous sommes incapables d’analyser ces zêta octets d’information mais les algorithmes sont eux capables de trouver des modèles, d’inférer des tendances, de voir l’invisible et ainsi d’apprendre seule.

C’est là un immense progrès vu qu’au lieu de passer du temps à identifier des modèles de pensée ou des raisonnements d’experts humains, que l’on doit ensuite traduire dans un système expert, on n’a que les règles du jeu à détailler à la machine, qui en explore les données et en fait ses propres expérimentations pour mettre au point ses algorithmes.

Maintenant, revenons sur l’immense réussite de Google et de son AI mâtinée de machine learning qui a gagné un tournoi de Go contre le grand maître Sud Coréen. Vous commencez sans doute à voir où je veux vous emmener. L’AI qui joue au Go mieux que les humains, c’est déjà du passé, en revanche côté voiture autonome, on est encore au début.

Comment se fait-il que cette tache à priori plus simple pose autant de difficulté à être maîtrisée ?

Plusieurs raisons.

Les règles du Go sont clairement définies et finalement relativement simples à expliciter, même si ensuite les possibilités engendrées sur le plateau de jeu sont virtuellement infinies.

Le code de la route est un empilement de règles, plus ou moins précises et quelquefois même antagonistes. Elles sont donc sujettes à interprétation, ce qui ne peut être résolu qu’avec du machine learning. Devant chaque situation, l’algorithme renforce les bonnes décisions petit à petit. Un éboulement obstrue la route ? Tant pis pour la ligne blanche infranchissable dans ce cas, on dépasse l’obstacle. Mais un humain sait qu’il est en train de se mettre en danger et prendra des précautions particulières pour effectuer ce dépassement. Une IA finira par apprendre que dans certains cas elle peut faire fi du code de la route, mais il faudra attendre qu’elle produise un accident pour qu’elle intègre ce qui ne va pas dans cette situation inhabituelle.

Toute intelligente que soit l’IA, elle n’est intelligente qu’une fois que l’algorithme a digéré et compris ce qu’on lui demande. Combien de temps faut-il à votre bébé pour vous reconnaître ? Combien de temps pour un algorithme pour reconnaître un individu ?

Plus c’est virtuel et plus l’IA est à l’aise

Si on y réfléchi 2 minutes, cela semble une évidence : le virtuel est à l’aise avec le virtuel.

En fait, cela provient de la façon dont fonctionne le machine learning. C’est à priori un énorme progrès comme nous l’avons déjà mentionné, puisque c’est le système IA qui va se coder tout seul. Mais il y a quand même un hic. Les algorithmes, par rapport à un bébé humain sont un petit peu long à assimiler. Il comprennent vite, mais il faut leur expliquer longtemps. Pour ce faire, le jeu de Go avait un énorme avantage par rapport à la conduite. Il est virtuel, et un ordinateur ou plutôt un algorithme peut entièrement simuler un joueur. C’est là que le machine learning est très rapidement très puissant, on fait jouer l’algorithme contre lui même, il peut jouer des millions de parties, qui vont renforcer les bons chemins et affaiblir les mauvais.

Pour ce qui est de la voiture autonome, le problème est plus délicat. Pour mettre du machine learning en place il faut la faire rouler des millions de kilomètres, pour que les algorithmes petit à petit apprennent toutes les situations et comment y réagir. Seulement, dans le monde réel, et même uniquement au volant d’une voiture, les éventualités sont encore plus nombreuses que l’infinité des positions du Go. Sans négliger le fait, qui est en fait le noeud du problème, qu’il faut que la voiture se mette en situation d’accident, voire même en produise, pour assimiler la raison de l’accident et les façons de l’éviter.

La limite du machine learning, c’est l’apprentissage par l’erreur

Au jeu de Go, il est possible de jouer et perdre un million de parties de façon à gagner la million et unième, dans le monde réel, c’est beaucoup plus compliqué à réaliser.

En conclusion, toutes les activités pour lesquelles nous disposons de méga données, et sur lesquelles les systèmes IA peuvent s’entrainer sans problème sont à terme réalisables par une IA. Toutes.
Pour tout ce qui demande de faire bien du premier coup, il va falloir continuer à compter sur les humains.

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