Le numérique en France fait-il fausse route ?
Le numérique est sur toutes les bouches, on en parle à la télévision, à la radio et la presse en fait également ses choux gras. Il semble que nous pouvons dire sans crainte que les enjeux du numériques sont tout à fait perçus. Mais sont-ils tout à fait compris ? Nous pouvons nous enorgueillir de belles initiatives comme la #FrenchTech, label qui permet de mettre en valeur l’innovation et le numérique à la Française. Cela permet surtout à des gens par nature isolés à se regrouper pour développer des synergies et avancer plus vite, plus loin. Ce qui s’est fait tout seul dans la Silicon Valley est ici suscité par une initiative gouvernementale. Comme dit le proverbe, qu’importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse.
Réveil difficile
Mais est-ce que ne nous risquons pas de nous réveiller un de ces jours avec la gueule de bois ? La #FrenchTech est-elle plutôt Concorde ou plutôt TGV ? En d’autres termes, est-ce que c’est un baroud d’honneur de quelques experts qui ne rencontrerons jamais leur marché ? Sommes-nous en train de développer une nouvelle économie pérenne ? Nous pourrions être simplement en train de cueillir des nouveaux fruits dont les graines ont été apportées par le vent (de l’innovation) sans songer à semer (à éduquer) pour la saison future ? Un certains nombre de signaux faibles pourraient nous inquiéter, c’est ce simple Tweet qui a été la goute d’eau qui fait déborder le vase.
Cela donne une bonne idée de la startup à la française. Avant de dévoiler le côté obscur, je voudrais tout de même ajouter que ce n’est pas parce qu’il y a des poissons volants que cela fait une caractéristique de la majorité de l’espèce mais il faut tout de même être prudent. Ne prenez donc pas ce qui suit comme une généralité, mais utilisez le pour réfléchir à ce dont nous avons vraiment besoin pour faire face à la transition numérique.
Je vois l’entreprise mentionnée dans ce tweet comme le fruit de la réflexion de deux ou trois “entrepreneurs” géniaux qui ont une idée de Business innovant basé sur le numérique. Mais voilà, aucun d’eux n’a de formation technique et plutôt que de s’associer avec un ingénieur, ce qui diminuerait leurs parts, donc leur profits et en plus les obligerait à dialoguer avec un individu qui ne comprend certainement rien aux affaires. Donc plutôt que de chercher un partenaire, ils cherchent un esclave. Pardon un stagiaire. Pour être CTO ? Sérieusement ? Comment peut-on avoir une telle méconnaissance de ce poste ?
C’est qu’en France, pays des lumières, nous n’aimons pas tout ce qui est sombre. Et justement, si vous avez regardé la série Mr Robot vous savez que les développeurs et autres ingénieurs informaticiens sont des gens qui travaillent de nuit dans un bureau sombre et en plus avec une cagoule. Et on appelle toujours ça “mettre les mains dans le cambouis”. Entre les clichés passéistes et les memes sur les Geeks, tout ce qui touche à la technologie est dévalorisé.
Le problème est qu’aujourd’hui comme hier et certainement comme demain, tout ce qui touche au numérique passe par des données et des logiciels, nous disons maintenant Big Data et Algorithmes mais cela ne change rien au fait que ce la demande à faire du code. Bien sûr le code que l’on écrit aujourd’hui n’est plus ce que l’on écrivait il y a 50 ans, le langage machine a disparu au profit de langages évolués, puis objets et autres. Avec l’intelligence artificielle, tout cela continuera encore à évoluer mais derrière les belles interfaces qui se gèrent d’un clic de souris ou d’un toucher de l’index, ce sont des algorithmes que l’on doit faire s’enchainer. Et il n’y a pas de meilleur moyen d’apprendre à manipuler des algorithmes que de les coder. Donc, apprendre à coder est incontournable, c’est la langue universelle de l’économie digitale et je vous encourage la lecture de ce court article à ce propos : Coding Is the New Lingua Franca of the Modern Digital Economy.
C’est pour cela qu’un autre Tweet m’a encore plus inquiété, venant d’une personne dont j’appréciais le regard qu’il porte sur le numérique, c’est assez assez décevant. Un peu comme Michel Serre et La petite poucette dont il faudra que l’on parle un de ces jours, à propos des milléniums. Revenons au tweet que voici sans plus attendre.
C’est souvent une posture que d’aller à l’encontre de ce que tout le monde dit et croit. C’est peut-être ce travers qui a emporté Laurent Alexandre dans ce commentaire et les détails qu’il donne dans un article de l’expansion, cité dans un autre Tweet (décidément, que serait-on sans Twitter ?).
Si vous retrouvez l’article, que je ne vous conseille pas de lire, vous verrez que plusieurs choses ne vont pas dans cette démonstration. Déjà parler de HTML pour coder, alors que c’est un langage de description de document, aucun rapport avec des algorithmes. L’IA va certainement être capable de rendre les machines de plus en plus autonomes, mais qui va coder l’IA ? Une autre IA ? Et qui va dépanner l’IA quand elle ne fonctionnera plus, quand elle sera piratée ? Au fait, faudrait-il laisser l’apprentissage du code aux seuls “pirates”, hackers ou crackers ? Parce que pendant que nous discutons du sexe des anges, les personnes qui cherchent à s’introduire dans les systèmes informatiques continuent à apprendre l’assembleur, et donc ceux qui cherchent à les combattre doivent faire de même. Bref, avec l’arrivée de l’électricité nous ne sommes pas tous devenus électriciens, mais nous avons tous une connaissance de base, ce qui nous évite de mourir électrocutés 10 fois par jour. Parce que la même personne nous dit que l’IA va remplacer tous les métiers, il ne faut donc plus rien apprendre puisque l’IA est capable de tout faire et de répondre à tout. D’ailleurs, le moteur de recherche le fait (presque) déjà… Mais nous continuons d’aller à l’école, à apprendre à compter malgré les calculatrices et à apprendre à écrire malgré les traitements de texte et leurs correcteurs orthographiques.
En avance ou en retard ?
En France, nous n’apprenons toujours pas à taper avec un clavier ! Alors, apprendre à coder, n’y pensons plus. Mais je ne pense pas que de continuer à lancer des startups avec un CTO stagiaire va nous donner une place pérenne dans un monde où le président des USA a pris la parole pour que tous les jeunes apprennent à coder. C’est justement parce que l’IA va être capable de faire des choses incroyables qu’il est indispensable d’apprendre à coder. Pour comprendre que l’IA n’est pas “magique” mais que ce sont des algorithmes, certes sophistiqués, mais rien d’autre que des algorithmes.
Et si vous n’êtes toujours pas persuadés par mes explications, je vous conseille un film, Robot and Franck, une comédie sans prétention mais dont le scénario mets en évidence que lorsque l’on comprend comment “pense” une IA, on peut arriver à faire de grandes choses… (Attention, l’article Wikipédia est un spoiler, essayez plutôt le trailer si vous désirez voir le film).
Pardon d’insister …
Je suis pour donner une culture numérique à TOUS
Je pense vraiment qu’il y aura beaucoup de déceptions chez Les codeurs “moyen de gamme” à moyen terme
Et quitte à passer pour un ignoble salaud je pense que pour un gamin qui a 90 de QI la priorité c’est lire et Ecrire et développer son esprit critique
On peut pas tout transmettre : il y a des priorités
Pour le HTML j’ai créé et développé suffisamment de boîtes d’IT pour savoir ce que c’est 🙈🙈🙈🙈
Bonne journée
Laurent alexandre
Merci pour votre commentaire.
Il faudrait se mettre d’accord sur ce qu’il y a derrière culture numérique. Je pense que coder est du niveau de lire et écrire et fait donc partie des fondamentaux de cette culture numérique.
C’est vrai que si l’on compare à ce qui s’est produit avec l’automobile, on pourrait dire qu’aujourd’hui les compétences mécaniques ne sont plus nécessaires. Mais c’est aussi qu’une bonne partie de ces connaissances sont maintenant tacitement partagées par tous.
Pour l’instant, malgré tout ce que l’on peut dire des milleniums, leur culture numérique est très réduite. Et pour ce qui est de l’ensemble du grand public, les connaissances tacites liées au numérique réduites. D’où la nécessité d’enseigner les basiques.
Ce qui me semble très important dans le choix de ces basiques, c’est de ne pas reléguer les gens au niveau de consommateur, mais leur donner les outils pour participer activement au monde numérique.
Bonne journée également,
Marc Augier