La lecture d’un article très intéressant publié sur le site de l’Etudiant m’a inspiré quelques réflexions. En fait, c’est presque une introspection sur ce qui m’a conduit à changer de job il y a maintenant un peu plus de deux ans (l’article en question ce trouve là : https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/learning-labs-age-maturite.html ).
J’ai retrouvé l’euphorie des premiers temps, à laquelle j’ai d’ailleurs participé et contribué en 2002 dans une école qui s’appelait alors le CERAM. Après l’euphorie est venue le temps de la raison, et aujourd’hui c’est le moment de l’introspection.
Un peu d’histoire
À leurs débuts les Learning Labs servaient de pilote pour expérimenter de nouvelles pratiques pédagogiques, qui en cas de succès pouvaient diffuser dans l’école. C’était les débuts de l’arrivée d’outils numériques à un coût raisonnable et relativement simples à mettre en œuvre. Il était alors possible avec une équipe et un budget relativement réduits de monter des expérimentations et tester de nouvelles pratiques pédagogiques. Blended Learning, e-Learning, apprentissage social avec Facebook ou une plateforme de type Wiki ou réseau social, apprentissage en mobilité avec le prêt de tablettes, etc.
Mais l’innovation continue est difficile à mettre en pratique, d’autant que plusieurs phénomènes allaient contribuer à rendre ces espaces sinon obsolètes, du moins vieillots.
Learning lab et après ?
La révolution numérique a bien eu lieu
Au début des années 2000, les écoles mettaient en avant le nombre de postes informatiques à disposition des étudiants et le prêt de tablettes (toujours elles) était indispensable pour pouvoir imaginer d’organiser un enseignement mobile ou avec plus d’interactivité.
Quelques 10 ans plus tard, la grande majorité, pour ne pas dire la totalité, des étudiants sont équipés d’un ordinateur portable et d’un smartphone. Les salles informatiques n’ont d’utilité que lors de l’utilisation de logiciels particuliers, type Photoshop ou Sphinx.
Du côté des professeurs, c’est la même chose, ils ont plus d’autonomie et tellement de solution gratuites ou à très bas coût, qu’ils n’ont plus besoin du LMS et des outils de leur institution pour innover. Un compte Slack ou Discord feront au moins aussi bien, sinon mieux que Moodle ou même Blackboard.
Plus besoin d’une infrastructure particulière pour organiser un cours “innovant”, en revanche, il faut toujours des (bonnes) idées, qui ont du sens.
Perte de sens
Le sens, voire le bon sens, c’est ce qui a pu rapidement faire défaut. L’effet waow mentionné dans l’article a rapidement contribué à la perte de sens.
L’utilisation de tablettes à tors et à travers, et surtout les fameuses roulettes. J’ai vu les étudiants organiser de très belles compétitions de go Kart avec ces fauteuils mais pédagogiquement quel est leur apport ? Est-ce qu’une chaise est si lourde qu’on a besoin de lui mettre des roulettes pour réorganiser un espace de travail ?
Les roulettes sont le symptôme de la maladie des Learning Labs : on focalise sur l’outil plutôt que sur le besoin.
On a besoin d’espaces de travail modulables ? Il faut donc de beaux espaces et du mobilier facile à reconfigurer.
Facile. C’est tout.
Mobile et à roulettes, c’est trop. Parce que normalement, pendant un cours ou une réunion, on n’a pas besoin de se déplacer assis sur son fauteuil.
Pour quoi faire ?
L’évolution de ces Learning Lab aurait dû être les Fab Labs, qui ont connu une courte heure de gloire. Dans un esprit à peine différent, les Fab Labs permettent aussi expérimentation et l’apprentissage. Mais cela avec une finalité et une méthodologie complètement différents, basés sur le “faire“. Dans un Fab Lab on vient pour faire, pour construire. Ce sera à minima un prototype, mais cela pourrait être tout aussi bien un produit destiné à être réellement testé et utilisé.
En effet, pour moi le problème le plus profond des Learning Labs est qu’ils ne sont que générateurs de “vaporware“, de présentations PowerPoint qui ne sont jamais mise à l’épreuve du réel.
C’est peut être ma formation d’ingénieur qui me conduit à cette déformation, mais pour moi il n’est de réel apprentissage que celui qui se confronte à moment donnée au réel.
Dans ce contexte, l’évolution du Learning Lab c’est de devenir un Fab Lab ou une pépinière d’entreprise. Sans cela, il est vite rattrapé, voire dépassé par la salle de classe.