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Et si les voitures mentaient comme les imprimantes ?

Tout cela a commencé avec des voitures qui ne consommaient pas sur la route ce que leur constructeur prétendaient qu’elles consommaient sur les bancs d’essai. Non, tout cela a plutôt commencé avec des imprimantes qui n’imprimaient plus du jour au lendemain. Ou alors n’était-ce pas plutôt une application de réservation de voiture avec chauffeur qui faisait apparaitre des voitures fantômes sur ses écrans ?

Cela ne vous dit rien ? Cela vous rappelle quelque chose mais vous ne voyez pas le lien entre les voitures, les imprimantes et les applications de réservation ? Laissez-moi vous expliquer tout cela. Le lien c’est que votre ordinateur vous ment. Pardon, les ordinateurs nous mentent et aujourd’hui ils sont partout.

Les ordinateurs nous mentent et aujourd’hui ils sont partout.

Les voitures qui truquaient les test antipollution ainsi que leur consommation, c’est ce que nous avons découvert il y a quelques temps et qui s’est d’abord appelé #Volkswagengate  pour se transformer ensuite en  #dieselgate du fait que d’autres constructeurs automobiles semblaient pratiquer également ce genre de supercherie. Pour ceux qui l’auraient oublié, cela est parti de journalistes un peu trop scrupuleux qui s’étonnaient que la consommation théorique de certains modèles soit si éloignée de la consommation réelle. Nos sommes nombreux à nous être aperçus que les voitures consommaient plus que ce qui était inscrit sur les plaquettes commerciales. Jusqu’à présent, l’explication que l’on nous avait servie est que les tests sont standardisés, qu’il ne reproduisent qu’imparfaitement les conditions réelles. Ils ne peuvent donc pas être pris pour argent comptant mais ls peuvent servir à comparer un modèle à un autre, tous les véhicules subissant le même test. Le mot intrus dans cette phrase c’est « subissant ». En effet, certains modèles ne subissent pas du tout le test mais s’y préparent, s’adaptent et s’en accommodent très bien. C’est ce que ces journalistes ont fini par découvrir, aidés par un employé qui avait la conscience douloureuse parce que le secret était bien caché au fond du code, au fond du logiciel qui contrôle les paramètres de performance de la voiture.

Après le scandale et la recherche de coupable, ce que l’on a oublié de nous dire c’est que ce logiciel n’est pas si étrange, ni incongru, il fait même partie du package normal, ce qui n’est pas normal c’est jusqu’où il a été poussé.

Reprenons, nous savons que dans toutes les voitures modernes l’allumage est controlé par un dispositif électronique. Si dans les premiers temps on pouvait se contenter de ce terme, il faut aujourd’hui réaliser que c’est bien un ordinateur qui gère l’allumage, donc consommation et performance. D’ailleurs, cet ordinateur sur certains modèles va nous proposer un mode « sportif » ou un mode « économique ». Les progrès ne s’arrêtent pas là, puisqu’en contrôlant et en comparant la vitesse des roues, l’ordinateur va pouvoir détecter que nous sommes en train de perdre le contrôle de la voiture, qui dérape. Il va alors agir sur un certain nombre de paramètres pour nous aider à rétablir la situation. Maintenant, rappelons ce qui se passe sur un banc de test, les roues motrices tournent et les autres sont bien entendu immobile, posées sur le sol qui n’avance pas. Donc, par le module anti-dérapage TOUTES les voitures détectent qu’elles passent un test. Si le technicien qui fait passer le test n’a pas besoin ou pas la possibilité de désactiver le système anti patinage, cela veut dire que la voiture le fait pour lui. Si elle fait ça, pourquoi s’arrêter en si bon chemin, puisqu’elle sait aussi proposer un mode sportif, un mode économique, il ne reste plus qu’à implémenter le mode « test anti pollution ».

Le propos n’est pas ici d’effrayer ou d’accuser tout le monde, mais juste de montrer qu’une fois que c’est un ordinateur qui contrôle une voiture, implémenter ce système de triche à la pollution ne demande quasiment aucun effort. Toutes les pièce sont là, à disposition. Pour ne pas que ça existe, il faut pouvoir vérifier ce qui est sous le capot. Nous y reviendrons.

Du zombie au fantôme

Après la voiture zombie, qui agit sans contrôle de son conducteur, la voiture fantôme. C’est cette fois du côté de Uber que les projecteurs sont braqués. Pour un certain nombre de raisons que nous évoquerons juste après, les écrans de l’application Uber montraient à leurs utilisateurs un certain nombre de véhicules qui n’existaient pas, ou en cachaient d’autres qui étaient bel et bien là.

Il s’agissait d’une part de décourager certains utilisateurs et d’en encourager d’autres. De décourager à faire appel à un chauffeur Uber, si l’application avait détecté que cette personne faisait partie des forces de l’ordre ou quelque chose de ce genre. Pour cela, c’est aussi facile que d’utiliser la position GPS de son téléphone et vérifier qu’il ou elle passe ses journées dans un bâtiment qui abrite les sus-nommés services. Mais cela pourrait aller plus loin, puisqu’avec l’accès au profil de l’utilisateur et un certain nombre de détails personnels que son téléphone pourrait révéler, il devient possible d’en savoir long sur chaque client et de discriminer certains, de ne leur présenter que certains chauffeurs ou pas du tout. L’autre versant de la tricherie, c’est qu’il fallait aussi encourager les clients en leur montrant plus de véhicules disponibles que ce qu’il y en a vraiment. Cela donne le sentiment d’avoir plus de choix, qu’il va être facile et rapide d’avoir un chauffeur à disposition alors qu’en réalité celui ci est plus loin ou n’existe pas.

Du fantôme à la mort cérébrale

De la voiture fantôme, nous passons maintenant à l’imprimante diagnostiquée de mort cérébrale.

C’est un problème relativement ancien et connu, bien que rien n’ait été réellement fait pour le solutionner. Certaines imprimantes, après quelques années de bons et loyaux services, refusent d’imprimer et à la place affichent un code d’erreur. Tout fini un jour par s’user, cela n’étonne personne et cela se traduit généralement par le remplacement de la chose. En effet, le prix d’une imprimante neuve est souvent très raisonnable pour les modèles de base, certaines allant jusqu’à être moins chères que le pack de cartouches d’encre qu’elles contiennent. C’est ce qui devrait alerter le consommateur, il croit acheter une imprimante alors qu’en fait il souscrit un abonnement à remplacer régulièrement ses cartouches auprès d’un fabricant, qui cherche par tous les moyens à s’assurer l’exclusivité de ce marché.

Plusieurs questions se posent. La panne d’une part et les cartouches d’encre de l’autre. Tout d’abord la fameuse panne, après consultation de forums d’utilisateurs très expérimentés peut s’avérer être un gros mensonge. Un compteur interne garde en mémoire le nombre de pages imprimées et arrivé à une limite fixée d’avance, bloque l’imprimante et la déclare en panne. Il suffit alors de télécharger un petit programme, qui une fois exécuté va remettre ce compteur à zéro et l’imprimante va recommencer à fonctionner comme au premier jour. On parle alors d’obsolescence programmée mais le terme est réducteur et trop gentil avec les fraudeurs, c’est bien de tricherie qu’il faudrait parler. Tous les dispositifs mécaniques portent en eux une obsolescence programmée, parce qu’il est impossible de créer un dispositif mécanique inusable. Alors les ingénieurs font des calculs de durée de vie, d’usure et de résistance qui permettent d’évaluer combien de temps le dispositif sera utilisable. L’obsolescence programmée est plus qu’une dérive d’un calcul de durée de vie ou d’utilisation, et il vaudrait mieux parler d’escroquerie à la durée de vie. Pour les cartouches d’encre nous avons le même problème de manque total de contrôle par l’utilisateur et de transparence du fonctionnement. Certaines se déclarent vides alors qu’elles contiennent encore de l’encre, là encore un programme permet de déverrouiller le dispositif. D’autres sont déclarées impropres ou entrainent un mauvais fonctionnement parce qu’elles n’ont pas été reconnues comme provenant du fabricant. Un beau moyen de s’attribuer un monopole, verrouiller l’utilisation des consommables par du code.

Tous menteurs

Les voitures mentent, les téléphones mentent et les imprimantes aussi. Pas de la même manière pour le moment mais supposant que les voitures se prennent pour des imprimantes.

Puisque la voiture sait depuis quand elle roule et combien de kilomètres elle a parcourus, elle nous averti que c’est bientôt le moment de la révision. Mais qui nous dit qu’elle ne va pas également se déclarer en panne au bout de quelques années ? Le coût d’une voiture n’est pas celui d’une imprimante et si la panne était trop brutale cela mettrait trop en évidence la supercherie. Mais il lui est possible de dégrader ses performances, progressivement, pour que cela passe inaperçu et soit attribué à de l’usure normale. Elle peut aussi surconsommer, polluer, avoir du mal à démarrer et quantité d’autres petits problèmes qui sont tous sous le contrôle de l’ordinateur qui gère l’allumage et autres paramètres de performance du véhicule.

Confiance numérique

Face à ce constat, il n’y a pas grand chose à faire pour rétablir la confiance envers les dispositifs numériques qui font maintenant partie de notre quotidien. Il faut savoir comment ils sont construits. Dans le temps, des laboratoires privés ou publics se chargeaient de décerner des labels, comme le célèbre NF ou maintenant Européen pour valider que le produit était passé au travers d’une certain nombre de tests. Cela n’est plus suffisant, parce que nous venons de voir que le produit pouvait s’adapter au test et tricher. Ce dont nous avons besoin, c’est de savoir ce qui « tourne » dans nos ordinateurs, de pouvoir accéder à son code et que des experts puissent valider que ce code respecte les règles du jeu. Mais nous en sommes encore bien loin…

Mise à jour du 27 aout 2017

Petit rebondissement dans cette affaire de logiciel propriétaire, ce n’est pas le constructeur qui est responsable, ni le manager qui a pris la décision de rendre le produit menteur, mais l’ingénieur qui a codé la chose. C’est en anglais mais vous pouvez lire les détail sur le site de REUTERS (VW engineer sentenced to 40-month prison term in diesel case).

Conclusion et appel à libérer les logiciels

Ce que nous pouvons retenir de tout cela c’est combien les logiciels à code fermé sont nocifs et pernicieux. Ils sont nocifs pour les clients qui ne savent pas ce que les dispositifs qu’ils achètent font réellement, et ils sont nocifs pour ceux qui les codent, car visiblement leur responsabilité et elle seule sera engagée. Vu que seul l’ingénieur qui a codé le programme sait réellement ce que le programme fait, c’est en fin de compte sa seule responsabilité d’avoir écrit ce code.

Que vous soyez client ou développeur, c’est le moment de passer du côté de la force des logiciels libres (http://www.fsf.org)

Sources pour ceux qui voudraient en savoir plus et aller plus loin :
http://www.internetactu.net/2015/09/29/qui-nous-protegera-des-logiciels-tricheurs/
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2017/04/30/uber-les-gouvernances-fantomes/

Suite de la saga avec les voitures volées, les imprimantes espionnes et enfin le cauchemar des objets connectés.

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